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b- La traite négrière ou l’esclavage moderne

L’esclavage antique que nous avons vu plus haut et qui correspondait à l’évolution des civilisations partout sur les continents n’a aucunement la même consonance que l’esclavage moderne qui allait s’intensifier et dont le commerce allait  prendre une autre tournure plus dramatique appelée la traite.

« L’Europe soit disant « bastion de la civilisation »…forte de ses traditions guerrières, de sa technologie militaire et maritime ainsi que de ses virus… au nom de sa propre  prospérité, …de son commerce,et au nom de son  Dieu unique, va entreprendre et pour longtemps d’exclure du patrimoine mondial, les civilisations nègres, indiennes et américaines autochtones. » (« la Traite des Noirs de l’Afrique à l’Amérique ». De Richard CHATEAU-DEGAT. Page 24.)

Pour fournir les matières premières  aux machines en Europe,  les Portugais et les Espagnols furent les premiers à partir à la conquête de l’Afrique et de l’Amérique. Suivis bientôt par les Hollandais, les Anglais  et les Français.

Les habitants des pays de leur découverte étaient soumis par les armes ou massacrés s’ils leur résistaient.

La  population amérindienne qui était de 80.000.000 avant l’arrivée de Christophe Colomb n’était plus que 10.000.000, 60 ans plus tard.

De celle mexicaine qui était de 25.000.000., il n’en restait plus que 1.000.000 d’individus.

Des 1.000.000 d’Haïtiens, il ne restait que 60.000.

Quant aux indigènes de Cuba, Saint –Domingue ou  de la Martinique, ils ont été tout simplement exterminés.

Les chercheurs estiment généralement que 95% de la population précolombienne avaient succombé sous les épées d’acier et autres épidémies de variole, de rougeole, de grippe, de typhus, etc.( cf. La traite des Noirs de l’Afrique à l’Amérique, page 22 )

Dans les colonies d’Amérique se développaient des plantations de café, de coton, de canne à sucre et autres produits agricoles. Pour les  travailler, des navires négriers partaient des différents ports d’Europe chargés d’alcool , de poudre, de barre de fer, de tissus européens, de soies indiennes et autres pacotilles contre lesquels seront échangés des captifs noirs en Afrique. Ils étaient chargé également de vivres.

Ces bateaux partaient des ports de Nantes, de la Rochelle, du Havre et de Bordeaux pour ce qui est de la France.

En ce qui concerne l’Angleterre, ils partaient de Bristol, de Liverpool et de Londres   essentiellement.

Ces navires  partaient aussi des ports de Hollande, de Lisbonne au  Portugal, de Séville en Espagne et des ports du  Danemark. Première étape.

 Arrivée sur les côtes africaines, après avoir vidé leur cargaison, ils se remplissaient des

esclaves noirs, hommes, femmes et enfants que les compagnies avaient pris soin de marquer au fer selon les logos de chaque propriétaire. «  On se sert d’une lame d’argent mince, on le fait chauffer, on  frotte avec du suif l’endroit où on la veut appliquer, on met dessus un papier graissé ou huilé et on applique légèrement l’estampe. La chaire gonfle, les lettres paraissent en relief et ne s’effacent jamais ». Selon les écrits d’un négrier et rapporté par  R. CHATEAU-DEGAT dans son livre à la page 101.

L’être humain ainsi marqué perdait son identité d’origine et devenait pour le restant de sa vie « la chose » d’un autre être  humain.

Ces esclaves razziés sur tout le continent noir de l’Ouest à l’Est, étaient parqués tels des bêtes dans des entrepôts en attendant l’arrivée des navires pour l’embarquement vers l’Amérique et les îles du Caraïbe.

C’est ainsi que l’île de Gorée au Sénégal, Ouidah au Dahomey (Bénin), Lagos au Nigeria,  Luanda en Angola et Zanzibar en Tanzanie, pour ne citer que ceux là,  hébergèrent des entrepôts de triste renom.

Pour le départ sans retour, les esclaves, tous nus étaient disposés telles des sardines afin d’occuper le minimum de place possible et  permettre au négrier d’en tasser le maximum

Tout au long du voyage qui durait un ou deux mois, voire plus parfois, les esclaves étaient maintenus pieds et mains enchaînés d’une part et les uns enchaînés aux autres d’autre part. Pour éviter des évasions disaient les négriers.

Les hommes étaient séparés des femmes. Mais dès le départ,le capitaine, les officiers, les matelots membres de l’équipage  choisissaient parmi les négresses, celles qu’ils violaient impunément tout au long du voyage.

Les maladies ainsi que des suicides ( ils se laissaient mourir de faim ou se tapaient la tête contre la coque du bateau ) décimaient les cargaisons des esclaves qui étaient accompagnés à chaque voyage par des médecins, des chirurgiens. Les prêtres qui les baptisaient de force avant l’embarquement , les accompagnaient également dans le calvaire qu’ils vivaient jusqu’à destination. Ils n’avaient droit qu’a deux maigres repas sans viande et trois petits bols d’eau par jour.  C’était la deuxième étape.

Arrivée dans les  îles et en Amérique, les esclaves étaient  revendus.

Vers 1762 au Sénégal, un Noir coûtait 35 barres de fer. Au Dahomey vers 1789, il ne coûtait plus qu’une barre de fer, ou une pièce de cotonnade de Rouen…ou un collier de corail, a estimé H. DECHAMPS dans son livre « Histoire de la traite des Noirs », Paris Fayard, 1971.

Le bénéfice que tiraient les négriers de la vente des esclaves  avoisinait les 200 % voire 300 % parfois de la mise de départ.

Ils étaient déversés dans les champs et les mines où ils devaient travailler sans compter les heures parfois jusqu’à épuisement.

Les conditions de travail dans les champs et d’alimentation faisaient périr nombres d’entre eux. Ils étaient aussitôt remplacés. Achetés à 30 dollars à peine à  leur arrivée, ils étaient revendus plus tard aux marchés de la Nouvelle-Orléans à 1100 dollars ou à 350 dollars à Cuba, paradis des contrebandiers.

Les produits de leur labeur étaient ramenés en Europe par des bateaux qui ne repartaient jamais vides, mais toujours emplis de coton, de riz, de café américain, de sucre de canne etc.

C’était la troisième étape qui bouclait le commerce triangulaire.

 Ce commerce qui constitue une plaie et une honte pour l’humanité a duré du XV au XIX ème siècle et a  permis aux européens d’atteindre l’apogée de leur développement économique. C’est la raison pour laquelle il l’avait codifié ouvertement en ce qui concerne la France ou institutionnalisé implicitement, en ce qui concerne la Grande Bretagne, la Hollande l’Espagne, le Portugal et les autres.

 c- Codification et institutionnalisation de la traite.

 « Les africains exportés vers le nouveau monde fournissaient la force de travail des plantations coloniales, plus rarement celle des mines dont les produits – Or, Argent et surtout sucre, cacao, coton, tabac alimentèrent très longtemps le négoce international » a écrit Mr. Elikia M’Bokolo, Directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, dans le Monde Diplomatique N° 529 d’Avril 1998, à la page 16.

Le système était bien huilé et si  bien rentable pour les économies des pays européens qu’il fallait lui donner des cadres juridiques afin d’en assurer la perpétuation. Puisque par ailleurs ce système constituait la forme la plus répandue de l’organisation du travail de la planète.

C’est Colbert qui promulgua le « Code Noir » définissant le statut juridique des esclaves en 1685. Ce pendant, « Avant la publication du « Code Noir », les esclaves étaient déjà considérés à tous effets transactionnels, testamentaires et fiscaux comme des bien meubles… » écrit Louis SALA-MOLINS, professeur de philosophie politique à Toulouse II, dans son livre intitulé  «  Le Code Noir ou le calvaire de Canaan » à la page 178.

Le Code Noir est le nom donné dans les îles françaises de l’Amérique à l’ordonnance du roi Louis XIV du mois de Mars 1685, touchant la police des îles et ce qui doit s’y observer principalement par rapport aux nègres selon le dictionnaire de Jacques SAVARY  1723

Ce code stipule en son article 44 : « Déclarons les esclaves être meubles, et comme tels entrer en la communauté… »à la page 178

On peut y lire aussi à l’article 12 que « les enfants qui naîtront de mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leur mari, si le mari et la femme ont des maîtres différents ».page 114.

Enfin à la page 157, l’article 33 nous apprend que « Si par accident involontaire, un esclave, en se défendant contre les violences de son maître, avait le malheur de le blesser, il serait brûlé vivant ».

Tout était mis en place pour que l’esclave dans tous les cas soit condamné d’avance. Il en était de même  chez les Anglo-saxons, les esclaves n’étaient pas mieux traités.

Nous savons que les belles femmes esclaves étaient courtisées de nuit par leur propriétaire lorsqu’elles n’étaient pas tout simplement violées. De ces relations secrètes naissaient de multitudes d’enfants métis qui devenaient une part importante de la population esclave.

Un gouverneur demandant à partir de quelle génération les « sangs-mêlés » pouvaient rentrer dans la classe des Blancs et être exemptés de capitation, reçut cette réponse du ministre de la marine : « Il faut observer que tous les esclaves ont été transportés aux colonies comme esclaves, que l’esclavage a imprimé une tâche ineffaçable sur tout leur postérité, même sur ceux qui se trouvent d’un sang-mêlé ; et que, par conséquent, ceux qui en descendent ne peuvent jamais entrer dans la classe des Blancs. Car s’il était un temps où ils pourraient être réputés blancs, ils jouiraient alors de tous les privilèges des Blancs et pourraient,comme eux, prétendre à toutes les places et dignités, ce qui serait absolument contraire aux constitutions des colonies » code Noire page 195.

Tout ceci malheureusement se déroulait avec la caution et la bénédiction de l’Eglise.