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III- Les Conséquences, Séquelles et Survivances de la Traite.

 Le colonialisme post esclavagiste a maintenu béante la plaie engendrée par plus de 10 siècles de traite négrière. Cette traite a laissé par ailleurs des traces sur tous les continents, de l’Afrique en Asie en passant par les Amériques Nord Centre et Sud confondus. Des traces qui sont encore perceptibles de nos jours.

Ce nouveau système est tout aussi douloureux  pour les peuples qui le subissent encore de nos jours alors que nous sommes passés au 21éme siècle.

 1- Les conséquences de la traite

Les conséquences sont multiples sur plusieurs plans.

 a) Sur le plan démographique

 Le dépeuplement de l’Afrique a été le premier constat de ce drame qui s’est joué pendant plus de 10 siècles. L’Afrique et l’Inde ont été vidées  de leurs forces vives et particulièrement du 15éme au 19éme siècle.

« La population africaine qui en 1600 représentait les 30% de la population mondiale, n’en faisait  plus que 10 % en 1900 ». Cf. R. CHATEAU-DEGAT, p.151

Alors que la population mondiale avait doublé dans la même période.

Le dépeuplement des continents a servi à peupler les îles françaises et britanniques telles que la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion, l’Île Maurice, Haïti et autres îles des Caraïbes. Y compris les Amériques Nord, Centre et Sud après le massacre des populations autochtones.

Le métissage massif est une autre conséquence de l’esclavage. La domination des maîtres sur leurs esclaves dans les colonies autorisait également ces derniers à se soumettre les femmes noires appelées négresses avec lesquelles ils avaient de nombreux enfants métis sans qu’un mariage ne soit consenti.

La menace de disparition qui pèse sur le reste des populations autochtones rescapées des massacres et des exterminations perpétrés notamment sur les Amérindiens, les Incas et autres populations indigènes des îles des caraïbes en est une autre.

b) Les préjugés raciaux.

 L’esclavage a créé ce qu’on appelait aux XVIII éme et XIX éme siècles, le préjugé de couleur : une hiérarchie des couleurs de peau avec à son sommet la couleur blanche.

La traite ayant officiellement pris fin, il fallait trouver les moyens de poursuivre le système sous d’autres formes. C’est alors que virent jour des thèses racistes et religieuses visant à soutenir idéologiquement la poursuite de l’exploitation des hommes et des richesses de leurs pays par la colonisation.

 Il a fallu que « des savants allemands démontrent scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand » …pour diminuer la frénésie des théoriciens de la supériorité des Blancs sur les Noirs.  Cf. Georges Clemenceau, « Réponse à Jules Ferry », chambre des députés, Paris, 30 Juillet 1885. Dans le Monde Diplomatique de Novembre 2001 P.28

Georges Clemenceau qui par ailleurs au cours de ce long discours prononcé, en réponse à la plaidoirie de la politique de Jules Ferry sur la supériorité de la race blanche sur la race noire,  pourfendait l’inanité de la colonisation jusque dans son principe : «  Non, il n’y a pas de droit des nations dites supérieures contre des nations inférieures. » Il appuya sa thèse par les cultures indiennes, chinoises (Hindous, Conficius) ainsi que leurs civilisations pluri-millénaires.

Et si ces débats ont contribué à faire chuter le gouvernement de Jules Ferry, les défenseurs du colonialisme ne manqueront pas pour autant d’appui.

c)   La crise identitaire

« 150 ans après l’abolition de l’esclavage, le Martiniquais éprouve encore un grand malaise à exprimer son passé historique et c’est souvent avec une certaine gène qu’il envisage sa filiation avec l’Afrique » a écrit Richard CHATEAU-DEGAT pour la quatrième de couverture de son livre intitulé La Traite Des Noirs de l’Afrique à l’Amérique.

« Autant dire que le préjugé racial, le complexe d’infériorité, la honte de sa propre « noirceur » et de son africanité restent plus présents qu’on ne veut souvent l’admettre chez nous ». a t-il ajouté.

Mais ce constat n’est pas valable que pour les Martiniquais ni pour les Guadeloupéens. Il est également bien valable pour tous les individus de peau noire à qui on a fait  croire pendant plusieurs siècles que non seulement la noirceur de leur peau les met d’office hors du genre humain, mais également que leur cerveau ne recèle pas les mêmes attributs de la matière grise que le cerveau des Blancs.

d)    La présence de Population émigrée

Au  temps de la traite, les esclaves n’étaient pas seulement vendus pour aller travailler dans les mines et les plantations. Ils étaient également achetés par tous ceux qui en avaient les moyens et chacun en avait un ou deux voire dix ou plus selon l’usage qu’il désirait en faire. Les familles bourgeoises, les bouchers, les tailleurs, les boulangers en faisaient l’acquisition soit pour le ménage à leur domicile, soit à leur atelier comme ouvriers sans que la salaire suive. Par ailleurs, pour les hommes de la haute société, cela faisait bien  d’avoir une maîtresse noire…Ce furent les premiers émigrés de force.

Pour les sociétés européennes donc, la conséquence lointaine d’avoir déporté des êtres humains est aujourd’hui une présence physique d’une population émigrée composée des ressortissants des « vieilles colonies ». Et aucune loi n’arrive à endiguer ce phénomène qui ira en s’amplifiant.