« Aujourd'hui, il existe une certaine conscience des limite des marché. Les scandales des années 1990 ont jeté "la finance et le capitalisme de style américain" à bas du piédestal où ils se trouvait depuis trop longtemps. Plus globalement, on a compris que la perspective de Wall Street, souvent à courte vue, était diamétralement opposé au développement, qui exige une réflexion et une planification à long terme.

On se rend compte aussi qu'il n'y a pas une seule forme de capitalisme, une seule "bonne" façon de géré l'économie. Il existe d'autres formes d'économie de marché (comme celle de la Suède, où la croissance est restée vigoureuse) qui ont créé des sociétés tout à fait différentes de celle des États-Unis, avec de meilleurs systèmes de santé et d'éducation et moins d'inégalité. Or, du moment qu'il y a des alternatives et des choix, ce sont les processus politique démocratiques qui doivent être au centre des prises de décision, et non pas les technocrates.

L'un des principaux choix auxquels toutes les sociétés sont confrontées concerne le rôle de l'État. Le succès économique nécessite de trouver le juste équilibre entre l'État et le marché. Quels services l'État doit-il fournir? Quelles réglementations doit-il instaurer pour protéger les travailleurs, les consommateurs, l'environnement? Il est clair que cet équilibre change avec le temps, et qu'il sera différent d'un pays à l'autre.

Dans ce livre, je vais démontrer que la mondialisation, telle qu'on l'a imposée, a empêché d'obtenir l'équilibre requis. Je veux souligner cependant que rien n'oblige à ce qu'elle nuise à l'environnement, aggrave les inégalités, affaiblisse la diversité culturelle et favorise les intérêts des grandes firmes aux dépens du bien-être des simples citoyens. Une mondialisation choisie, bien gérée, comme elle l'a été dans le développement réussi d'une grande partie de l'Asie orientale, peut beaucoup apporter aux pays en développement comme aux pays développés. ».

 J. E. Stiglitz

 Reconnu comme le spécialiste éminent des problèmes de la mondialisation, Prix Nobel d'économie en 2001, Joseph Stiglitz a été conseiller économique à la Maison-Blanche auprès de Bill Clinton, puis économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale entre 1997 et 2000. Il a publié La Grande Désillusion (Fayard, 2002), beste-seller mondial, et Quand le capitalisme perd la tête (Fayard, 2003). Pour écrire Un autre monde, il a visité des dizaines de pays en développement et débattu avec des universitaires, des chefs de gouvernement, des parlementaires et des citoyens de tous les continents.